L'équilibre dans notre alimentation entre les oméga 3 et les oméga 6 est un élément fondamental en nutrition santé. En effet, depuis des décennies, notre alimentation se trouve fortement déséquilibrée, en apportant trop d'oméga 6 et pas assez d'oméga 3 à notre organisme. Ce déséquilibre induit un dysfonctionnement du cycle inflammatoire classique, et pourrait bien être coresponsable de beaucoup de maladies modernes. Nous verrons dans cet article pourquoi ce ratio oméga 3 / oméga 6 est important, et comment faire au quotidien pour le maintenir à un niveau correct.
Dans la grande famille des acides gras (qui composent en majeure partie toutes nos huiles grasses, qu'elles soient végétales ou animales), les omégas 3 et omégas 6 sont des cousins proches. Ils font partie de la même famille des acides gras poly-insaturés (AGPI).
les omégas 6 ont pour chef de file l'acide linoléique (AL) qu'on retrouve dans le monde végétal. C'est à partir de l'AL que notre organisme, tout comme les autres animaux, est capable de fabriquer l'Acide arachidonique, un oméga 6 à plus longue chaine.
les omégas 3 ont pour chef de file végétal l'acide alpha-linolénique (ALA) à partir duquel les hommes et les animaux fabriquent l'EPA et le DHA, des omégas 3 à plus longue chaine.
Les Oméga 3 et 6 jouent, entre autres, 2 rôles absolument vitaux dans notre corps : ils composent nos membranes cellulaires, et ils jouent un rôle majeur dans nos mécanismes d'inflammation.
Ces deux types d'acides gras sont des composants très importants des membranes des cellules de notre corps. Ils contribuent à la souplesse, la fluidité, la perméabilité des membranes de toutes les cellules de notre corps, avec un enjeu majeur au niveau des cellules du cerveau et de la rétine des yeux. C'est aussi au niveau de la membrane plasmique que se jouent la communication intra/extra-cellulaire et la communication inter-cellulaire.
Ils jouent aussi un rôle majeur dans l'inflammation qui est notre principal mécanisme de défense.
Il s'agit donc d'un travail d'équipe complémentaire et bénéfique à condition que la contribution de chacun des acteurs de ce duo soit équilibrée. En effet :
Il s'agit donc, concernant les Omégas 3 et 6, non pas seulement de combler des AJR, mais de surtout veiller à un bon équilibre entre les deux pour éviter l'installation d'une inflammation chronique !
Note : pour les curieux qui veulent en savoir plus sur le rôle joué par les Omégas 3 et 6 dans l'inflammation, rendez-vous en bas de page.
On recommande aujourd'hui un ratio Oméga 3/ Oméga 6 de 1/5, c'est à dire une 1 molécule d'Oméga 3 pour 5 molécules d'Omégas 6. Aujourd'hui en France, les données épidémiologiques actuelles sont encore très loin des recommandations officielles.
Depuis les années 60, notre alimentation occidentale (celle des Hommes et celle des animaux dont ils se nourrissent) s'est très nettement enrichie en sources d'omégas 6 et appauvrie en omégas 3. Voici quelques chiffres clés pour se rendre compte de l'évolution de cet équilibre au cours de l'histoire de l'humanité :
Pourquoi cette préférence dans notre alimentation moderne pour les Omégas 6 ? C'est notamment lié au fait que les Omégas 6 rancissent moins que les Oméga 3. L'industrie agroalimentaire a donc pris l'habitude d'utiliser les huiles riches en Oméga 6 afin de privilégier la conservation et le goût des aliments. Le meilleur exemple est l'huile de Tournesol, très stable, au goût peu prononcé, très riche en Omégas 6.
De nombreuses études scientifiques confirment le lien entre :
A titre d'exemple, voici deux études qui corroborrent cette corrélation, sélectionnées parmi de nombreuses autres études (plus d'exemples en source).
Dès 1996, "l'Etude de Lyon" (cf. Dr Michel de Lorgeril, cardiologue, chercheur au CNRS / régime méditerranéen) montrait qu'un régime combinant les trois omégas 3 est associé à :
Privilégier l'alimentation plutôt que les compléments alimentaires ; les résultats des études portant sur les bénéfices d'une complémentation en omégas 3 sont souvent contradictoires. Par contre, l'intérêt semble bien confirmé pour une alimentation avec des apports en sources d'omégas 3.
Eviter les sources excessives d'omégas 6 (ex : huiles végétales trop riches en omégas 6, aliments issus de l'industrie agro-alimentaire) surtout en raison de la compétition omégas 3/6
Apporter tous les omégas 3 (ALA, EPA et DHA) au travers de sources végétales ET animales.
Ces recommandations sont capitales. Les études concernant les Oméga 3 sont pléthores, et toutes ne corroborrent pas le lien établi dans cette page entre le déséquilibre Oméga 3/6 et l'inflammation chronique. Pourquoi ? La réponse tient dans ces 3 recommandations : les études qui montrent un lien véritable sont celles où les Oméga 3 sont apportés sous leurs 3 formes (ALA, EPA, DHA), au travers d'apports "naturels", et celles qui pointent une absence de corrélation sont celles où l'ont a apporté que de l'ALA (par exemple), en complément alimentaire.
Oméga-3 et oméga-6 sont en concurrence dans notre organisme. Il faut donc sélectionner des huiles à la fois riches en oméga-3 mais assez peu en oméga-6, ce qui est le cas du colza (rapport autour de 4/1) : 2 cuillérées à soupe d'huile de colza par jour couvrent les ANC en ALA.
Comme l’huile d’olive, le colza renferme en quantité des oméga-9 qui gênent le métabolisme des oméga-6. Michel de Lorgeril conseille donc d’associer au quotidien huiles de colza et d’olive, cette dernière étant, de plus, riche en antioxydants protecteurs.
Si vous n'arrivez pas à changer suffisamment vos habitudes au quotidien (assaisonnements, huiles de cuisson...), vous pouvez aussi choisir d'ingérer une cuillère à café par jour de ces huiles végétales particulièrement riches en Oméga 3 : le Lin, la Cameline, le Périlla ou le Chanvre. Ces huiles végétales contiennent jusqu'à 50-60 % d'Oméga 3 !
Il est bien sûr possible d'augmenter ses apports en Oméga 3 végétaux (ALA) sous d'autres formes qu'avec des huiles végétales pures. C'est particulièrement vrai avec les graines et les fruits oléagineux.
les noix fournissent un excellent apport en ALA : six ou sept noix par jour couvrent nos besoins. Elles apportent en outre d’autres nutriments précieux, comme le phosphore ou le magnésium.
les graines de courge et de citrouille, de lin, de chanvre, de chia, de soja en renferment également beaucoup.
précision concernant les graines de lin (une cuillère à soupe bombée par jour suffit à couvrir les besoins journaliers en oméga-3) : avant de les manger, il faut les tremper, les broyer, les écraser, les moudre. Bien les mastiquer si vous n'avez pas le temps… Sinon, elles seront évacuées intactes, car l’estomac ne peut pas dissoudre l’enveloppe de la graine, qu’elle soit brune ou blonde (même si la blonde est moins épaisse). Le broyage au dernier moment permet de n’utiliser que ce dont on a vraiment besoin, les graines moulues ne se conservant pas longtemps (quelques jours au réfrigérateur). Au contraire, les graines intactes se conservent très bien et très longtemps, dans un endroit sec et frais.
Comme nous l'avons expliqué plus haut, l'organisme ne peut se satisfaire d'un unique apport en ALA (végétal), il doit y avoir aussi des apports en EPA et DHA (animaux). Vous pourrez trouver des Oméga 3 animaux en quantité dans les aliments suivants :
les petits poissons gras (sardines, maquereaux, hareng, anchois) : 1 à 2 fois par semaine pour couvrir vos besoins en EPA et DHA. C'est de loin la méthode la plus "fiable".
le saumon, mais ! Si c'est un saumon d'élevage, il y a fort à parier que sa propre alimentation soit très déséquilibrée en oméga 3/6. Si c'est un saumon sauvage, vous pouvez de plus en plus souvent être confrontés à des soucis de toxicité en métaux lourds… La truite est donc souvent privilégiée par rapport au saumon.
les œufs, le lait, la viande. À nouveau, une nuance d'importance s'impose. Si vous n'êtes pas vigilants à l'alimentation des animaux à l'origine de ces produits, vous êtes presque certains d'avoir affaire à un taux d'Oméga 3/6 très mauvais. Pas plus que l'Homme, les animaux ne sont capables de produire des Oméga 3 : si on ne leur en donne pas, ils ne vous en donneront pas !
L’alimentation animale est donc très importante pour rétablir le bon équilibre car une alimentation riche en oméga 6 à base de tournesol, soja et maïs, se retrouve ensuite dans des produits de consommation courante tels que la viande, les œufs ou le lait. Des plantes riches en Oméga 3, comme le colza, la luzerne et les graines de lin, ont été réintroduites dans l'alimentation de certains animaux d'élevage pour rééquilibrer cette situation.
C'est le cas par exemple des produits Bleu-Blanc-Cœur. C'est un label que vous pouvez trouver sur de nombreux produits de grande distribution. Par exemple pour les oeufs : les poules dont l'alimentation est naturellement riche ou enrichie en sources d'omégas 3 (complémentation à base de lin) produisent des œufs qui contiennent en moyenne quinze fois plus d’oméga 3 qu'un œuf standard.
Avec l'article qui précède, vous avez normalement tout ce qu'il faut pour comprendre pourquoi l'équilibre Oméga 3/6 est important. Cependant, vous pourriez être frustré d'avoir ainsi survolé les mécanismes de transformation des Oméga végétaux en Oméga exploitables par le corps, ainsi que sur l'impact de ces derniers sur l'inflammation. C'est ce que nous allons creuser ici.
Les Omégas 3 végétaux (Acide Alpha-Linolénique = ALA) et les Omégas 6 végétaux (Acide Linoléique = AL) sont donc des acides gras polyinsaturés ayant les caractéristiques suivantes :
Une fois que votre corps, par le biais des enzymes désaturases, a ainsi allongé vos Oméga 3 et 6, ces nouveaux acides gras vont pouvoir être oxydés par d'autres enzymes, des oxydoréductases au doux nom de "cyclo-oxygénases". Ces enzymes vont, via un process complexe (plusieurs étapes, plusieurs enzymes différentes), fabriquer des métabolites directement utilisés par notre corps dans les processus inflammatoires.
L'Acide Arachidonique, ou AA, Oméga 6, va donc donner naissance à des métabolites de 3 types :
L'Acide Eïcosapentaénoïque (EPA), Oméga 3, va donner naissance à des métabolites nommés : Résolvines.
L'Acide Docosahexaénoïque (DHA), Oméga 3, va donner naissance à des métabolites de 3 types :
Nous n'allons pas rentrer dans les processus précis d'action de chacun de ces métabolites, mais voici le rôle de chacun de ces métabolites dans le processus inflammatoire.
Rôles et spécificités des médiateurs chimiques issus des omégas 6 :
Lorsque c'est nécessaire, les Prostaglandines (de type 2) et les Leucotriènes, tous deux produits "en cascade" de vos Oméga 6, vont agir directement dans le processus inflammatoire aigu. Ils contribuent au développement de plusieurs manifestations inflammatoires notamment au niveau cardiovasculaire (ex : vaso-dilatation, coagulation, tension artérielle), bronchique (lien avec l'asthme) ou de la douleur…
Les Lipoxines au contraire sont des pro-résolvants de l'inflammation, qui induisent la phase de résolution de l'inflammation. Ils inhibent la migration des polynucléaires neutrophiles vers le site de la réaction inflammatoire et la production de médiateurs de l'inflammation. Leur action ne permet pas pour autant la résolution de l'inflammation, mais ils "débutent le processus".
Rôles et spécificités des médiateurs chimiques issus des omégas 3 :
Déclenchée par les lipoxines à la fin de la phase aigüe de l'inflammation, les résolvines et protectines induisent la résorption des causes et des médiateurs de l'inflammation, le remplacement des cellules endommagées, le rétablissement d'un fonctionnement normal.
Si les omégas 3 ne sont pas présents en quantités suffisantes, l'inflammation ne peut donc pas être complètement résolue. Il peut donc y avoir l'installation d'une inflammation chronique ou d'une inflammation dite "de bas grade", latente, diffuse et délétère. Par exemple, quand il s'agit d'une inflammation provoquée par une blessure, il peut alors se développer une fibrose au lieu d'une cicatrisation.
Note moyenne: 4.9 ( 568 votes )
Publication : Serhan, C. N., & Petasis, N. A. (2011). Resolvins and Protectins in Inflammation Resolution. Chemical Reviews, 111(10), 5922‑5943. https://doi.org/10.1021/cr100396c
Publication : Bagga, D., Wang, L., Farias-Eisner, R., Glaspy, J. A., & Reddy, S. T. (2003). Differential effects of prostaglandin derived from -6 and -3 polyunsaturated fatty acids on COX-2 expression and IL-6 secretion. Proceedings of the National Academy of Sciences, 100(4), 1751‑1756. https://doi.org/10.1073/pnas.0334211100
Publication : Calder, P. C., Ahluwalia, N., Brouns, F., Buetler, T., Clement, K., Cunningham, K., Esposito, K., Jönsson, L. S., Kolb, H., Lansink, M., Marcos, A., Margioris, A., Matusheski, N., Nordmann, H., O’Brien, J., Pugliese, G., Rizkalla, S., Schalkwijk, C., Tuomilehto, J.,. . . Winklhofer-Roob, B. M. (2011). Dietary factors and low-grade inflammation in relation to overweight and obesity. British Journal of Nutrition, 106(S3), S5‑S78. https://doi.org/10.1017/s0007114511005460
Publication : Coussens, L. M., & Werb, Z. (2002). Inflammation and cancer. Nature, 420(6917), 860‑867. https://doi.org/10.1038/nature01322
Publication : Dali-Youcef, N. (2015). Inflammation métabolique et insulino-résistance : Les connaissances actuelles. Médecine des Maladies Métaboliques, 9(3), 279‑291. https://doi.org/10.1016/s1957-2557(15)30075-4
Publication : Donath, M. Y., & Shoelson, S. E. (2011). Type 2 diabetes as an inflammatory disease. Nature Reviews Immunology, 11(2), 98‑107. https://doi.org/10.1038/nri2925
Publication : Felger, J. C. (2018). Role of Inflammation in Depression and Treatment Implications. Antidepressants, 255‑286. https://doi.org/10.1007/164_2018_166
Publication : Lewis, M. D., Hibbeln, J. R., Johnson, J. E., Lin, Y. H., Hyun, D. Y., & Loewke, J. D. (2011). Suicide Deaths of Active-Duty US Military and Omega-3 Fatty-Acid Status. The Journal of Clinical Psychiatry, 72(12), 1585‑1590. https://doi.org/10.4088/jcp.11m06879
Publication : Li, J., Lee, D. H., Hu, J., Tabung, F. K., Li, Y., Bhupathiraju, S. N., Rimm, E. B., Rexrode, K. M., Manson, J. E., Willett, W. C., Giovannucci, E. L., & Hu, F. B. (2020). Dietary Inflammatory Potential and Risk of Cardiovascular Disease Among Men and Women in the U.S. Journal of the American College of Cardiology, 76(19), 2181‑2193. https://doi.org/10.1016/j.jacc.2020.09.535
Publication : Tsalamandris, S., Antonopoulos, A. S., Oikonomou, E., Papamikroulis, G. A., Vogiatzi, G., Papaioannou, S., Deftereos, S., & Tousoulis, D. (2019). The Role of Inflammation in Diabetes : Current Concepts and Future Perspectives. European Cardiology Review, 14(1), 50‑59. https://doi.org/10.15420/ecr.2018.33.1
Publication : Warstedt, K., Furuhjelm, C., Duchén, K., Fälth-Magnusson, K., & Fagerås, M. (2009). The Effects of Omega-3 Fatty Acid Supplementation in Pregnancy on Maternal Eicosanoid, Cytokine, and Chemokine Secretion. Pediatric Research, 66(2), 212‑217. https://doi.org/10.1203/pdr.0b013e3181aabd1c